Philippe Jaccard
Du 26.03 au 30.09.2021 au Centre Médico Thérapeutique
1470 Estavayer-le-Lac
Au bout des troncs fraîchement tombés se cache
un enchevêtrement de déchirures et d’échardes
rappelant une chute glacière du côté de la vallée
du Kumbu.
Couché au pied de ce tronc abattu récemment, l’arrête se découpe sur fond de pleine lune jusqu’au sommet de cet Eiger miniature.
La journée est bien avancée alors que les longueurs de corde s’enchaînent sans anicroche et que le sommet commence à se préciser dans l’air chaud de cette fin d’après-midi.
Un seul regard sur cette flamme de bois et tous les
espoirs d’une ascension sensuelle et virile sont
permis !
Au fond de la “Combe maudite”, dans le massif du
Mont-Blanc, la lune se lève derrière les Aiguilles
du diable. Dans la Broye, la frange déchiquetée
d’une vieille souche lui rend bien la pareille.
La lumière du matin découpant la structure de ce
tronc lui donne des airs de grande face nord. L’œil
ne peut alors faire autrement que suivre ces piliers
et ces dièdres en parcourant des itinéraires
connus ou en inventant de nouveaux.
Voie “No Siesta” aux Grandes-Jorasses.
Effleurées des doigts ou du regard, les striures
de cette coupe horizontale génèrent les premiers
frémissements : la redresser par la pensée ou la
technique nous envoie directement nous mesurer
aux grands dièdres des “big walls” du Yosemite.
Une découpe négligemment laissée à terre par un
bûcheron puis repositionnée devant un paysage
beaucoup plus grandiose accueille la première
neige en imitant cette jolie face nord du fond du
val d’Hérens.
Neigeuse côté nord et essentiellement rocheuse
de l’autre côté, la fine ligne de crête n’en finit pas
de s’élever jusqu’au sommet.
Suite à un bivouac serein une fois le sommet du
Fitz Roy passé, le temps change et nous oblige à
envisager la descente au plus vite.
Posée devant un panorama connu, cette souche
tourmentée prend toute sa dimension dans les
dernières lumières d’un soir d’été.
Empruntée dans une clairière où elle gisait à côté
de son tronc, cette chute de coupe revit en face
d’un mur de crépis en se prenant pour une arête
hérissée de gendarmes et d’aiguilles.