Besoin d’espace, besoin de lumière, besoin de voyager.
Vol FR-Papa Tango Charlie, départ Sion Planta. Plan de vol non communiqué.
Dernier échange avec la tour de contrôle : « Je rase le relief sous la couverture nuageuse. Neige persistante aux altitudes faibles. Vue bouchée sur le fond de la vallée. 1600 m. Ciel noir et chargé. Visibilité aléatoire. La pointe nord du triangle d’Hérens — Les Haudères, Ferpècle, Arolla… me repousse en dessous de du niveau de sécurité. Je ne passerai pas ! »
Je scrute le relief autour en espérant trouver un endroit propice pour me poser. Les arbres défilent très proches du pare-brise embué. Après un enchaînement de plusieurs virages serrés négociés à vitesse très réduite, je me retrouve face à l’entrée d’un chemin boueux en contrebas. Je dois pouvoir y caser mon envergure sans faire trop de petit bois.
La descente se fait comme dans un rêve. Ma vue se brouille complètement en essayant de déchiffrer les formes floues courent de part et d’autre de l’habitacle. Sans l’avoir vraiment réalisé, je traverse maintenant un paysage beaucoup plus doux, mais extrêmement rocailleux. La perspective s’est totalement modifiée. J’ai sûrement dû perdre conscience un moment, car je ne reconnais plus du tout la topographie.
Au loin, une lueur rouge orangé auréole une série de pics sortis de nulle part. En se rapprochant, leurs contours se précisent. Les différentes strates volcaniques révèlent une structure complexe faite d’empilements de blocs et de dalles enchevêtrées. De cet amalgame de roches jaillissent souvent des fissures rayant leurs faces de bas en haut.
Je cercle lentement autour du massif plusieurs fois. C’est magnifique. Ces colonnes sont posées sur de vastes éboulis s’enfonçant dans le sable ocre. Une piste à peine perceptible file au sud vers un superbe halo lumineux masquant les premières étoiles de ce début de soirée. De ce plateau de l’Atakor, Tamanrasset, la capitale des Touaregs en est encore loin. Je ne peux résister à aller y jeter un coup d’œil furtif.
Le bruit lancinant de l’alarme de niveau d’essence me ramène à une certaine réalité. Il faut faire demi-tour et retrouver la voie de retour. Les teintes fauves et rouges sont assez vite remplacées par le gris sombre du ciel. Le claquement de la pluie sur les vitres couvre déjà les hurlements du moteur malmené par les bourrasques revenues en force…
« Tour de contrôle, ici FR-Papa Tango Charlie. J’amorce virage à gauche, hauteur de Nax. Je quitte les 4 000 pieds. Atterrissage runway 25 dans 2 minutes ».