Viens grimper au pilier Bonatti, près de chez moi.
Ce matin, la ballade est magnifique, la chaleur du soleil transforme l’humidité de ces derniers jours en de multitudes de gouttelettes étincelantes déposées sur les feuilles et les brins d’herbe. Comme de grands peintres impressionnistes, les arbres et le vent mettent ensemble leurs talents en saupoudrant la toile d’une myriade de grains de pollen formant des guirlandes de points jaunes et orangés du plus bel effet.
Les sorties sont à nouveau possibles car Corona semble baisser d’intensité. La belle lumière devrait aider à profiter de cet élargissement du rayon d’action mais les distances restent toujours trop grandes pour un organisme fatigué.
Accoudé à un vieux tronc, le regard est irrésistiblement attiré par cette flèche ocre qui sort de terre et s’enfonce en perdant de sa netteté dans le ciel toujours un peu voilé de ce matin de mai deux-milles vingt. L’image d’un pilier élancé d’une montagne mythique s’impose tout gentiment devant des yeux rêveurs. En parcourant ce qui reste de son pilier sud-ouest, emporté par un éboulement total en 2005, il est difficile de ne pas avoir une pensée émue pour son ouvreur, le grand Walter Bonatti qui aurait eu 90 ans cette année.
Bonatti a escaladé cette flèche de pierre il y a cinquante-cinq ans, seul, pour retrouver le sens de sa passion à la suite de diverses tragédies dont il revient vivant mais pas complètement indemne. En six jours, il trace une ligne élégante, esthétique et engagée. Les passages de cette voie ont juste le temps de devenir classique avant qu’elle ne disparaisse à jamais avec la chute de la totalité du pilier. Comment ne pas avoir un moment de réflexion sur cette ascension quasi cathartique pour un homme au bout de sa passion ainsi que son caractère totalement éphémère à la suite de sa disparition !
Comment ne pas se laisser emporter par cette réapparition en miniature qui porte toute la symbolique de cette magnifique pyramide, qu’il est possible de recréer avec un peu de lumière et la magnifique force de l’imagination. Merci Walter !
Il y a de la présence au piler Bonatti, près de chez moi !
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