La lumière rasante de la fin de journée associée à une douce brise d’été traversant la canopée dessine des formes étranges tout autour de moi dans une sarabande de feuilles de tiges et de troncs.
Dans mon esprit, tout s’entremêle dans un tourbillon chromatique à la manière d’un kaléidoscope sensoriel emportant tout sur son passage.
Le soleil se rapprochant de plus en plus de l’horizon projette les formes les plus insignifiantes dans la lumière en leur donnant une nouvelle vie éphémère, et grandiose.
Brutalement, ce tronc rabougri tapi au coin du chemin se dresse majestueusement, imitant une très vieille connaissance.
Depuis notre dernière rencontre, sa silhouette envoûtante n’avait cessé de s’enfoncer dans l’obscurité de mes pensées. Une fragile sérénité avait ainsi fini par s’installer. Les nuits s’étaient libérées des transes répétées où le manque alternait avec le besoin viscéral de s’éloigner le plus possible de son influence maléfique.
Avec cette rencontre, je prends aujourd’hui conscience du caractère cyclique de l’addiction à sa présence. Chaque année, je reproduis le même schéma. À peine guéri de ces joutes, je me console dans des bras plus doux, plus accueillants. Les mois d’été me voient courir de belles en belles sans pouvoir assouvir ce besoin de me confronter à nouveau à son inaccessibilité. La fin de la saison arrivant, elle reprend progressivement le contrôle de mes songes et de mes cauchemars.
Le froid en altitude s’est réinstallé. Le ruissellement matinal s’est sûrement transformé en d’attirantes draperies de dentelles blanches plaquées sur ses formes rebondies, faisant miroiter de folles étreintes glacées. Comme chaque année, le souvenir de toutes les souffrances de nos dernières joutes s’est envolé. De façon compulsive, je me remets à aiguiser frénétiquement mes engins d’aciers qui bientôt s’ancreront avec délice dans les moindres recoins de son anatomie.
Je ressens déjà l’angoisse qui conduit à l’extase quand le vide se creuse et que les pierres qu’elle jette pour tenter de me désarçonner et de me projeter à ses pieds me frôlent. Pourtant l’instant d’après nous voit nous étreindre langoureusement comme si rien ne pouvait plus nous séparer.
La nuit s’installe maintenant sur ce chemin de forêt. Les images ne sont plus très claires. Une silhouette s’y est irrémédiablement imprimée.
Je sais que je vais bientôt y retourner car je suis totalement accro aux « Grandes Jo », près de chez moi.